Avec la chute des subventions et l’envol des coûts, le plus ancien festival de musique mise notamment sur les artistes émergents, « moins gourmands en cachets ».
De Michel Polnareff à Tiakola, le Printemps de Bourges ouvre mardi sa 49e édition, en même temps que le bal des festivals musicaux, mais subit une « décroissance contrainte », entre chute des crédits et coûts qui s’envolent.
Le W, plus grande scène du Printemps de Bourges, s’apprête à vibrer dans un enchaînement de stars et de styles. Clara Luciani, Lucky Love et Fatboy Slim seront présents, ainsi qu’une ribambelle de rappeurs à succès comme Tiakola, Soolking ou Vald, tout juste de retour avec son « Pandémonium ».
La soirée d’ouverture est osée, avec pour tête d’affiche Michel Polnareff, qui sort un nouvel album le 25 avril. À 80 ans, l’interprète de « Goodbye Marylou » rempile pour une nouvelle – et peut-être dernière – tournée, dont Bourges marque la première date française. Mais lors de ses précédents concerts dans l’Hexagone en 2023, « l’Amiral » avait essuyé une tempête de critiques sur la qualité de sa prestation.
Cette 49e édition ne déroge pas non plus à son habitude de présenter de nouvelles têtes et ses créations, dont l’une consacrée à la grande voix du monde arabe Oum Kalthoum.
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Une situation économique de plus en plus tendue
En coulisses, le mot d’ordre, « c’est de ne pas perdre de plumes en 2025, pour être là en 2026 » et célébrer les 50 ans de l’évènement, glisse Jean-Michel Dupas, programmateur du Printemps de Bourges.
Le festival, qui mixe partenariats privés dont le Crédit mutuel, subventions et fonds propres (billetterie, bars…), avance sur une ligne de crête. Il reste « très subventionné » et « une seule salle gagne de l’argent, c’est le W », observe l’organisation.
Pourtant, entre les concerts en salles et l’offre gratuite dans la ville du centre de la France, l’évènement séduit: il a attiré environ 250.000 personnes l’année passée.
Ce constat doux-amer est similaire à la situation des autres festivals, dans une situation économique de plus en plus tendue: 44% de ceux affichant des taux de remplissage supérieurs à 90% ont bouclé une édition déficitaire en 2024, selon le Centre national de la musique.
Concurrencés par l’ampleur de l’offre (festivals, salles, stades), touchés par un changement de consommation des jeunes et à la merci des caprices météorologiques, les festivals doivent de surcroît composer avec une conjoncture défavorable, où la culture pâtit souvent des arbitrages politiques.
Pour la première fois en dix ans, le budget du Printemps de Bourges – en hausse en 2024, à environ 7,5 millions d’euros – a été revu en baisse, amputé de 400.000 euros de financement.
Ce coup de rabot s’explique par une diminution de « 150.000 euros de sponsoring » et « 250.000 euros d’aides publiques », détaille à l’AFP le directeur du festival, Boris Vedel.
Miser sur les artistes émergents
L’Etat a maintenu son soutien et celui de la ville résiste, mais les aides de la région Centre-Val de Loire ont diminué et celles du département du Cher se sont effondrées, ajoute-t-il. Face à cette « décroissance contrainte », le Printemps n’a d’autre choix que de « se renforcer sur l’émergence », selon Boris Vedel.
Mettre en lumière des découvertes a toujours été dans l’ADN du festival, notamment via les Inouïs. Ce dispositif a accompagné 1.600 artistes depuis sa création il y a 40 ans, dont Christine and the Queens (désormais Rahim Redcar) et Eddy de Pretto.
Avec une carrière et une notoriété moins développées, ils présentent l’avantage d’être moins gourmands en cachets, qui ont globalement explosé.
« En cinq, six ans, les artistes internationaux ont pris 50% et, en France, on est à 20, 25% de hausse, loin de l’inflation », s’agace Jean-Michel Dupas, en précisant que les coûts de production ont aussi grimpé de « 25% depuis le Covid ».
Avec « les subventions qui baissent…ça fait un cocktail sympa », ironise-t-il. « Les festivals tirent un peu la langue, à part deux ou trois, c’est très dur. »
Malgré tout, le Printemps, présenté comme le plus ancien festival de musiques actuelles, affiche une volonté intacte d’emporter le public dans « l’énergie de la fête, de la danse et de l’émotion » jusqu’à dimanche.
Il en va d’un héritage à faire perdurer: celui de son cofondateur Daniel Colling, décédé en janvier et à qui un temps d’hommage entre professionnels est prévu mercredi.
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