Les députés se penchent à nouveau ce samedi en commission sur le projet de loi de finances de la sécurité sociale avant d’en débattre dès mardi dans l’hémicycle. Cerné de lignes rouges, Sébastien Lecornu devrait lâcher du lest et essayer de convaincre le PS, mais aussi son propre camp, de voter pour.
Des désaccords en pagaille mais une petite lumière au bout du tunnel. Les sénateurs et les députés ne sont pas parvenus à se mettre d’accord mercredi sur une version commune du budget de la sécurité sociale. La faute à des positions diamétralement opposées sur la suspension de la réforme des retraites et le gel des pensions des retraités.
Mais le gouvernement, lui, croit mordicus qu’il est possible que les élus de l’Assemblée finissent par parvenir à un vote positif. Ils retentent le coup ce samedi en commission des Affaires sociales puis à partir de mardi dans l’hémicycle.
« Il y a le camp du compromis et de la stabilité qui doit arriver à se mettre d’accord: ce n’est pas un mariage d’amour mais de devoir et de raison », a jugé le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou sur RTL ce vendredi.
« Un chemin permettra d’avoir un vote », a encore insisté l’ancien patron de la SNCF qui a rejoint les rangs du gouvernement en septembre dernier.
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Sans indexation des pensions de retraite, c’est non
Pour l’instant, cela ressemble surtout à un vœu pieu. Pour que le projet de loi de finances de la sécu parvienne à être adopté, le gouvernement va tenter d’amadouer largement l’Assemblée. Pour ce faire, Sébastien Lecornu doit s’assurer que le PS et les écologistes s’abstiennent, ou bien que les socialistes votent pour.
Le camp à la rose a certes obtenu la suspension de l’âge de départ à 64 ans dans la copie du Premier ministre mais estime le geste insuffisant pour voter le budget de la sécu.
Dans la copie actuelle, le compte n’y est pas pour toute une partie de la gauche. Parmi les crispations: la question du gel des pensions de retraites. Le gouvernement, qui cherche tous azimuts à faire des économies, veut arrêter d’indexer pendant un an les pensions sur le montant de l’inflation. La mesure permettrait d’économiser environ 2 milliards d’euros.
Mais les députés ont dit non. Contrairement aux sénateurs qui, eux, ont accepté le principe, mais seulement pour les retraités qui touchent plus que 1.400 euros brut. Soucieux de trouver un compromis, Bercy met sur la table la possibilité de ne pas aligner les pensions sur l’inflation à partir de 1.700 euros brut.
« Une mesure comme ça, c’est niet, c’est clair pour nous. On sera très nombreux à voter contre le budget ou à s’abstenir si une mesure de ce type est dans le budget. Ce n’est pas aux retraités de payer pour les mauvais choix du gouvernement », explique le député écologiste Hendrik Davi.
« Gros point de crispation » sur les franchises médicales
Deuxième sujet chaud: la question des franchises médicales et des participations forfaitaires. Le gouvernement veut, en effet, largement augmenter le reste à charge des patients lors de consultations médicales ou d’achats de médicaments sans que cela ne soit directement inscrit dans le budget de la sécu, la mesure passant par décret.
La manœuvre interpelle cependant les députés puisque les économies permises sont bien écrites noir sur blanc dans le budget.
« C’est un gros point de crispation et il faut qu’on trouve une solution là-dessus. Toutes les économies qu’on devait faire avec les franchises doivent venir d’autres postes de dépenses dans le budget », avance la députée Renaissance Nicole Dubré-Chirat.
« Si ça ne bouge pas sur ce sujet, c’est invotable pour nous en l’état », confirme un député PS qui suit de près le dossier.
Haro sur la CSG
Dernier gros point de crispation: la hausse de la CSG sur les revenus du capital, adoptée après des débats sous très haute tension dans l’hémicycle. La mesure doit permettre de financer en partie la suspension de la réforme des retraites.
Mais à droite, la mesure, qui est vue comme touchant largement les Français, ne passe pas. « Vous n’avez pas taxé les hauts patrimoines mais bien les assurances-vie et les PEL. On ne peut pas être d’accord avec ça », s’était agacé le président des députés LR Laurent Wauquiez lors des échanges dans l’hémicycle.
En réalité, cette hausse de la CSG, supprimée par les sénateurs, concerne sur le papier pour l’instant à la fois l’assurance-vie, les PEL et l’épargne salariale mais aussi les plus-values immobilières et mobilières comme la vente d’actions.
Réponse d’un député Renaissance membre de la commission des affaires sociales: « on va probablement valider la hausse mais elle sera moins importante que ce que veulent les socialistes ».
« Il faut qu’on se parle »
Pour faire redescendre la pression, Sébastien Lecornu recevra lundi les patrons des groupes PS au Sénat et à l’Assemblée. « Il faut qu’avant mardi » et le retour du texte dans l’hémicycle, « on ait quand même une vision un peu globale de ce que pourrait être le point d’atterrissage. C’est l’heure de vérité, il faut qu’on se parle », exhorte le député socialiste Jérôme Guedj.
Suffisant pour parvenir à un vote? Rien n’est moins sûr. Le gouvernement n’a pas qu’un seul caillou dans la chaussure. Il ne doit pas seulement réussir la prouesse de convaincre le camp d’Olivier Faure et les écologistes. Il doit aussi réussir à embarquer ses propres élus. Le vote des socialistes, même favorable, ne suffirait peut-être pas si les députés Horizons et LR décidaient de voter contre, contrariés par les concessions offertes au PS.
Aucun d’entre eux ne se précipite pour l’instant pour soutenir le gouvernement. Dans le camp d’Édouard Philippe, on ne fait pas semblant.
« Notre position dépendra de ce qu’il y a à la fin. Si c’est une très mauvaise copie, on votera contre, c’est une évidence », lâche une élue Horizons.
Les troupes de l’ex-Premier ministre s’inquiètent notamment que le texte aligne un déficit bien supérieur aux 20 milliards d’euros prévus initialement par le gouvernement. Pour l’instant, la copie de l’Assemblée aligne 24 milliards. En macronie comme au Modem, on tente plutôt de faire contre mauvaise fortune bon cœur.
« Il faut que chacun bouge même si ce budget n’est pas idéal », explique le vice-président de la commission des Finances Nicolas Turquois et proche de François Bayrou.
Retour du 49.3 dans les têtes
Mais sans soutien de ce que Sébastien Lecornu des partis membres du gouvernement, le Premier ministre n’a aucune chance de parvenir à faire voter le budget de la sécu.
« Un mauvais budget, c’est quand même mieux que pas de budget du tout et je pense que personne n’en doute des LR à Renaissance », veut croire un conseiller ministériel à Bercy.
Et en cas de vote contre à l’Assemblée? Officiellement, personne ne veut imaginer l’hypothèse. En réalité, si Sébastien Lecornu faisait ses calculs avant le vote solennel du budget de la sécu le 9 décembre et se rendait compte qu’il n’est pas possible de le faire passer, le retour d’un 49.3 pourrait être sur la table.
La France aura-t-elle un budget à Noël ? – 24/11
Cette cartouche institutionnelle qui permet de faire adopter un texte sans vote, a certes été écartée par Matignon à plusieurs reprises. Mais l’ancien président de la République François Hollande a publiquement remis sur la table mercredi son utilisation, disant tout haut ce que beaucoup disent sous couvert d’anonymat.
« Il ne faut jamais se priver d’une disposition constitutionnelle », a insisté le député sur BFMTV. La réponse ne devrait plus tarder. Le 12 décembre, le délai fixé par la Constitution pour examiner le budget de la sécu s’achèvera.


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