Des forces de l’ordre tirent des gaz lacrymogènes et des grenades à percussion sur une bretelle d’autoroute, lors d’une manifestation contre la politique migratoire de l’administration Trump, à Los Angeles, en Californie, le 8 juin 2025. OMAR YOUNIS / REUTERS
Des affrontements ont opposé, dimanche 8 juin, à Los Angeles les forces de sécurité aux manifestants contre la politique migratoire de Donald Trump.
Plusieurs dizaines de protestataires bloquaient, dimanche après-midi, une autoroute de la mégapole californienne dans un face-à-face tendu avec les forces de l’ordre, qui ont procédé à quelques arrestations et fait usage de gaz lacrymogènes, y compris contre des journalistes. Au moins trois voitures ont été incendiées et deux autres vandalisées.
La garde nationale avait commencé, dimanche, à se déployer dans la deuxième plus grande ville américaine, après deux jours de manifestations contre les opérations menées par la police de l’immigration (ICE). Le président américain avait ordonné l’envoi de troupes fédérales, samedi, sans avoir été sollicité sur ce point par le gouverneur démocrate de l’Etat, Gavin Newsom – une initiative extrêmement rare.
Sur la chaîne de télévision MSNBC, le gouverneur a annoncé qu’il intenterait une action en justice contre l’administration de M. Trump lundi après un « acte illégal, un acte immoral, un acte inconstitutionnel », a-t-il déclaré. « Nous sommes confiants dans nos chances de succès », a-t-il ajouté dans un autre entretien, accordé à Fox 11.
Des manifestants face aux forces de l’ordre dans les rues à Los Angeles, en Californie, le 8 juin 2025. RINGO CHIU / AFP
« Si nous n’avions pas fait ça, Los Angeles aurait été rayée de la carte », a affirmé, lundi, le président américain sur son réseau Truth Social, en attaquant, à nouveau, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, et la maire de Los Angeles, Karen Bass, jugés « très incompétents ».
Dimanche en fin d’après-midi, l’essentiel de la manifestation était terminé, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse, mais des affrontements étaient encore en cours entre quelques dizaines de protestataires et les forces de sécurité. A l’exception de heurts au niveau d’un centre de détention entre protestataires et agents fédéraux du ministère de la sécurité intérieure, les affrontements ont tous impliqué les forces de l’ordre locales.
La police de Los Angeles a annoncé, dans la nuit, que le centre-ville avait été déclaré zone de rassemblement interdit. Une zone du quartier d’affaires, Civic Center, a aussi été déclarée zone interdite de rassemblement.
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Une décision « délibérément incendiaire »
« Vous avez des gens violents et nous n’allons pas les laisser s’en sortir », a déclaré le président américain à des journalistes, dimanche. « Nous aurons un retour à l’ordre », a-t-il promis, disant, en outre, envisager l’envoi de troupes ailleurs. « Nous n’allons pas laisser ce genre de choses arriver à notre pays. » « Ç’a l’air d’aller vraiment mal à L. A. ENVOYEZ LA TROUPE !!! », a posté Donald Trump, lundi matin, sur son réseau, Truth Social, lançant aussi : « ARRETEZ LES GENS MASQUÉS, MAINTENANT. »
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Dénonçant la prétendue « anarchie » en cours à Los Angeles, M. Trump avait ordonné, samedi, le déploiement de 2 000 membres de cette force armée de réserve, principalement mobilisée lors de catastrophes naturelles. Une décision qualifiée de « délibérément incendiaire » par M. Newsom, qui a prévenu qu’elle ne ferait « qu’aggraver les tensions ».
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Le gouverneur démocrate a annoncé, dimanche sur X, avoir « officiellement demandé à l’administration Trump d’annuler son déploiement illégal de troupes dans le comté de Los Angeles et de les remettre sous [son] commandement ». « Nous n’avions aucun problème avant l’intervention de Trump. Il s’agit d’une grave atteinte à la souveraineté de l’Etat […]. Annulez cet ordre. Restituez le contrôle à la Californie », a-t-il ajouté. Environ 300 gardes nationaux ont été positionnés dans la ville, a annoncé, dimanche matin, le commandement militaire.
« Des hommes et des femmes honnêtes »
Ce déploiement survient après deux journées de manifestations marquées par des heurts et des violences dans la mégapole californienne, où réside une importante communauté hispanique, alors que des habitants tentaient de s’interposer face aux arrestations musclées de travailleurs immigrés menées par la police fédérale de l’immigration. Un important leader syndical, qui protestait contre les agissements de l’ICE, a été arrêté vendredi, et blessé lors de son interpellation, suscitant l’indignation.
De son côté, la police de San Francisco a annoncé avoir interpellé, dimanche en fin de journée, une soixantaine de personnes lors de heurts avec des manifestants opposés à la politique américaine de lutte contre l’immigration.
Quarante-deux ressortissants mexicains ont été arrêtés au cours des opérations, a annoncé, lundi, le ministre des affaires étrangères mexicain, Juan Ramon de la Fuente, ajoutant que quatre d’entre eux ont été expulsés. La veille, la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, avait appelé les Etats-Unis à les traiter avec dignité. Ce sont « des hommes et des femmes honnêtes qui sont allés chercher une vie meilleure (…) Ce ne sont pas des criminels ».
Le lendemain, la présidente mexicaine a appelé au « respect de la dignité humaine et de la loi ». tout en « condamn[ant] la violence, quelle que soit son origine ». « Le gouvernement mexicain continuera d’utiliser tous les moyens diplomatiques et légaux à sa disposition » face à « des pratiques qui criminalisent la migration et mettent en danger la sécurité et le bien-être des communautés [mexicaines] aux Etats-Unis », a dit Mme Sheinbaum.
La police du comté de Los Angeles fait face aux manifestants qui s’opposent aux actions de la police de l’immigration, à Compton (Californie), le 7 juin 2025. BARBARA DAVIDSON / REUTERS
Evoquant une « invasion » des Etats-Unis par des « criminels venus de l’étranger », M. Trump a érigé la lutte contre l’immigration clandestine en priorité absolue et communique abondamment sur les arrestations et les expulsions d’immigrés. Menées jusque dans des tribunaux du pays, ces dernières ont plongé dans la terreur des millions d’immigrés sans statut légal.
Les gouverneurs démocrates dénoncent un « abus de pouvoir »
A Los Angeles, d’importantes opérations, vendredi et samedi, des agents de l’ICE, parfois en civil, ont donné lieu à des heurts entre manifestants et forces de l’ordre. A Paramount, dans le sud de l’agglomération, les affrontements ont été violents, samedi. Selon le directeur adjoint de la police fédérale, Dan Bongino, plusieurs personnes ont été arrêtées, ainsi qu’à New York, lors de manifestations similaires.
Interrogée, dimanche matin, par une télévision locale, la maire de Los Angeles, Karen Bass, a fait état d’« actes de vandalisme » dans la nuit, mais a assuré que la situation était sous contrôle. Tout en condamnant les violences, elle a regretté la décision de Donald Trump d’envoyer la garde nationale. « Pour moi, ce n’est que de la politique », a-t-elle fustigé.
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Les gouverneurs démocrates américains ont dénoncé, dimanche, le déploiement des soldats de la garde nationale à Los Angeles. « La décision du président Trump est un abus de pouvoir alarmant », ont-ils déclaré, dans un communiqué commun. « Il est important que nous respections l’autorité exécutive des gouverneurs de notre pays pour gérer leurs gardes nationaux », ont-ils ajouté, insistant sur leur soutien à Gavin Newsom.
« Ville sanctuaire » pour les immigrés
Le gouvernement fédéral est engagé dans un bras de fer avec la Californie, bastion de l’opposition progressiste et « Etat sanctuaire » protégeant les migrants. Ce mouvement consiste, notamment, à limiter les informations que les autorités locales partagent avec les autorités fédérales. Dans certains cas, les polices locales ont pour interdiction d’interpeller un immigré en situation irrégulière sur la seule base de son statut migratoire.
Los Angeles a adopté ce statut en novembre 2024, dans la foulée de l’élection de Donald Trump, s’engageant à ne pas utiliser les ressources de la municipalité contre les personnes immigrées. Une politique dénoncée par l’administration Trump, qui souhaite priver de subventions fédérales les villes sanctuaires – décision invalidée en justice. M. Trump « espère du chaos pour pouvoir justifier plus de répression, plus de peur, plus de contrôle », a accusé, dimanche sur X, M. Newsom, appelant au calme.
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Le Monde avec AP et AFP
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