Des camions transportant des biens d’Afghans expulsés par les autorités pakistanaises, près du passage de Torkham, entre les deux pays, le 1ᵉʳ septembre 2025. FAYAZ AZIZ / REUTERS
Le premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, a fermement condamné, dimanche 12 octobre, les « provocations » de l’Afghanistan, qui a lancé samedi une opération contre des soldats pakistanais le long de la frontière séparant les deux pays. « Il n’y aura aucun compromis sur la défense du Pakistan, et chaque provocation sera suivie d’une réponse forte et efficace », a-t-il promis dans un communiqué, accusant Kaboul d’abriter des « éléments terroristes ».
Samedi soir, le ministère de la défense taliban avait rapporté avoir mené « avec succès » une opération armée « de représailles » contre les forces de sécurité pakistanaises « en réponse à des violations répétées et à des frappes aériennes sur le territoire afghan par l’armée pakistanaise ». Lors de ces affrontements frontaliers, « 58 soldats pakistanais ont été tués et 9 talibans ont perdu la vie », a annoncé dimanche le porte-parole du gouvernement taliban, Zabihullah Mujahid. Islamabad n’a pas confirmé ce chiffre.
De son côté, l’armée pakistanaise a déclaré dimanche, dans un communiqué, que « 23 soldats pakistanais étaient morts en défendant l’intégrité territoriale de [leur] pays contre cette attaque scandaleuse », et a assuré avoir « neutralisé plus de 200 talibans et terroristes affiliés au moyen de tirs, raids et frappes de précision ».
L’escalade a commencé jeudi, lorsque deux explosions ont retenti à Kaboul et une troisième dans le sud-est de l’Afghanistan. Le lendemain, le ministère de la défense taliban a imputé ces attaques au Pakistan, accusant son voisin d’avoir « violé sa souveraineté ». Islamabad n’a pas confirmé être à l’origine de ces frappes aériennes, mais a appelé Kaboul « à cesser d’abriter sur son sol des talibans pakistanais [Tehrik-e-Taliban Pakistan, TTP] ».
Ce mouvement, formé au combat en Afghanistan et qui se revendique de la même idéologie que les talibans afghans, est accusé par Islamabad d’avoir tué des centaines de ses soldats depuis 2021. Ces derniers mois, les militants du TTP ont intensifié leur campagne de violences contre les forces de sécurité pakistanaises dans les zones montagneuses frontalières avec l’Afghanistan.
« L’Afghanistan joue avec le feu et le sang », a mis en garde dimanche le ministre de l’intérieur pakistanais, Mohsin Naqvi, assurant que son voisin recevra, « comme l’Inde, une réponse écrasante afin qu’il n’ose plus jeter ne serait-ce qu’un regard hostile sur le Pakistan ». Le ministre faisait référence à la pire confrontation depuis des décennies avec l’Inde, survenue en mai et lors de laquelle les deux ennemis historiques avaient échangé tirs de missiles, envois de drones et barrages d’artillerie.
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Table des matières
Résurgence des talibans pakistanais
Samedi soir, Islamabad avait déclaré être attaqué à sa frontière. Il assurait avoir répliqué à des affrontements armés partis des provinces afghanes de Kunar, Nangarhar, Paktika, Khost et Helmand, tout le long de la ligne Durand, qui divise les deux pays. Kaboul avait finalement annoncé, autour de minuit heure locale, la fin de son opération.
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« Notre opération nocturne a rempli ses objectifs. Nos amis, comme le Qatar et l’Arabie saoudite, ont lancé un appel pour que le conflit cesse, et il est désormais terminé », a déclaré le ministre des affaires étrangères afghan, Amir Khan Muttaqi, en visite en Inde.
Le haut-commissaire des Nations unies aux réfugiés, Filippo Grandi, a regretté dimanche « ces nouvelles tensions et affrontements le long d’une frontière déjà fragile, théâtre de conflits, de déplacements forcés et de crises humanitaires depuis des décennies ».
Les relations entre les deux pays sont en dents de scie depuis le retour au pouvoir des talibans afghans à l’été 2021, Islamabad, accusant son voisin « d’abriter » des talibans pakistanais du TTP. Plus tôt samedi, le TTP a revendiqué des attaques meurtrières dans le nord-ouest du Pakistan qui ont causé la mort de 23 personnes. Elles ont eu lieu vendredi non loin de la frontière avec l’Afghanistan, dans la province du Khyber Pakhtunkhwa.
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Pour Islamabad, ce sont les talibans afghans, de retour au pouvoir à Kaboul depuis l’été 2021, qui favorisent cette résurgence du TTP. Un rapport du Conseil de sécurité des Nations unies publié cette année estimait que le TTP « a sans doute été le groupe extrémiste étranger en Afghanistan qui a le plus profité » du retour des talibans afghans, « qui ont accueilli et activement soutenu » le mouvement. Mais Kaboul dément fermement et renvoie l’accusation à Islamabad, assurant que le Pakistan soutient des groupes « terroristes », notamment la branche régionale du groupe Etat islamique (EI).
Jeudi, le ministre de la défense pakistanais, Khawaja Muhammad Asif, a déclaré au Parlement que les multiples tentatives pour convaincre les talibans afghans de cesser de soutenir le TTP avaient échoué. « Nous ne tolérerons plus cela. Unis, nous devons sévir contre ceux qui les aident, que leurs cachettes se trouvent sur notre sol ou bien sur le sol afghan », a-t-il affirmé. L’année 2024 a été la plus meurtrière pour le Pakistan en près d’une décennie, avec plus de 1 600 morts dans ces violences, principalement des soldats.
Le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghtchi, a appelé samedi l’Afghanistan et le Pakistan à « faire preuve de retenue », soulignant que « la stabilité dans les relations Iran-Pakistan-Afghanistan contribue à la stabilité régionale ». Le ministère des affaires étrangères saoudien a également incité les deux pays « à éviter toute escalade et à dialoguer pour apaiser les tensions ».
Le Monde avec AFP

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