Alors que les droits de douane américains secouent les marchés mondiaux, le domaine Allemand situé dans les Hautes-Alpes à Théus et qui exporte une partie de son vin vers les Etats-Unis, pourrait être touché économiquement.
“Il n’a jamais été question d’arrêter d’exporter nos vins“. Si Justine Carliez sonne résolue, il faut dire qu’il y a encore un mois, l’affirmation de la responsable administrative et commerciale du domaine Allemand à Théus (Hautes-Alpes), pourtant pleine de conviction, manquait un peu de réalisme.
Le 14 mars dernier, non content des menaces de taxation sur certains produits états-uniens, dont le bourbon, proférées par l’Union européenne, le président américain Donald Trump entendait élever la bataille commerciale d’un cran. Et d’attaquer d’un coup fort, au-delà du raisonnable: si c’est ainsi, alors les USA imposeront un potentiel droit de douane faramineux de 200% sur les alcools en provenance des pays européens, incluant les vins et champagnes français.
Ce mercredi 9 avril au soir, le résident de la Maison Blanche a annoncé une pause de 90 jours dans l’application de ces fameux droits de douane, sauf pour la Chine. Une décision vue comme un « soulagement » par la filière viticole.
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35 à 40.000 euros mis en suspens
En apprenant l’annonce initiale à la mi-mars, la famille de viticulteurs du domaine Allemand, dans les Hautes-Alpes, manquait de s’étrangler. L’exportation de leurs vins, entre autres, à fines bulles, une boisson raffinée affectionnée des Américains, vers la côte ouest états-unienne – Californie, Oregon, occasionnellement le Texas – représente 5 à 10% de leur chiffre d’affaires. Ce sont 35 à 40.000 euros annuels, pour approximativement 6.000 bouteilles, mis en balance par les humeurs du président Donald Trump.
Portés par un climat commercial incertain, les collaborateurs étrangers bloquent les commandes.
“À ce moment-là, décrypte Justine Carliez, on ne sait plus comment agir. Une taxe de 200%, c’est impossible à gérer.”
La situation est dédramatisée: au bout du compte, la tête de la Maison Blanche revient sur ses menaces, qu’elle édulcore. La hausse des droits de douane est arrêtée à 20% et mise en application dès ce 9 avril. Avant finalement donc l’annonce d’une pause ce mercredi soir.
4.000 euros de taxation à la charge du domaine
“On a entamé une démarche de négociation avec nos collègues importateurs, indique Justine Carliez. On est prêts à prendre en charge 10% de la taxation, et eux aussi, pour que tout le monde soit satisfait. Nous, on envoie nos productions et eux ne sont pas privés du vin français, qui est un vin de qualité.”
Cela représente un surcoût de 4.000 euros pour le domaine. La jeune femme aborde le sujet avec un optimisme mesuré. “Pour l’instant, la situation nous semble viable. Par contre, on verra au fil des années parce qu’on est dépendants de la météo”, explique-t-elle.
Car dans les Hautes-Alpes, le printemps est une saison difficile. Entre mars et avril, subsiste le risque des dernières gelées, les températures nocturnes pouvant encore descendre en flèche. L’année précédente, le domaine en a fait les frais ; une partie des récoltes a été compromise, ce qui a eu des conséquences à la fois sur les tarifs des bouteilles et les marges réalisées.
“Dans ce métier, on ne peut rien prévoir: ni la météo, ni l’économie mondiale, ironise Justine Carliez. Il est donc impossible de se projeter sur le long terme.”
Une renommée internationale
Le cépage Mollard, l’ancienne variété de raisins signature des viticulteurs Allemand, dont ils détiennent la souche mère, produit un vin dont le goût s’éloigne des nuances habituelles. Il fait la renommée (inter)nationale des vignobles Haut-Alpins.
“Nous sommes l’un des seuls vignobles du coin à exporter outre-atlantique, et nous sommes déterminés à conserver ce marché”, insiste la responsable administratif.
Pour l’heure, les commandes à l’étranger du domaine n’ont pas encore repris. Il est possible que l’accalmie de 90 jours décidée ce mercredi permette d’écouler les stocks et d’entamer des discussions entre partenaires dans un climat plus serein.
Estelle Hottois avec Lilian Pouyaud
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