Le premier ministre français, François Bayrou, s’exprime lors d’une conférence de presse à l’hôtel Matignon à Paris, le 26 juin 2025. THOMAS SAMSON / AFP
Refusant l’échec du conclave sur la réforme des retraites au terme de quatre mois de discussions entre les partenaires sociaux, François Bayrou a fait état d’« avancées » et de « progrès » lors des négociations, malgré l’absence d’accord, lors d’une conférence de presse à Matignon, jeudi 26 juin en début de soirée. « Ce travail, contrairement à ce qui a été abondamment dit et écrit, a été remarquablement utile », a encore assuré celui qui voit sa position à la tête du gouvernement fragilisée ces derniers jours.
François Bayrou a notamment acté la volonté commune des organisations syndicales et patronales d’« améliorer sensiblement et immédiatement les retraites des femmes (…) ayant eu des enfants », ainsi qu’un compromis pour diminuer l’âge de départ à taux plein de 67 ans à 66 ans et demi.
Autre avancée « décisive » aux yeux du premier ministre : l’absence de remise en cause par les syndicats restés jusqu’au bout autour de la table. Sur les points en suspens, le premier ministre a jugé « à portée de main » un compromis sur le volet de la pénibilité, principal point d’achoppement entre partenaires sociaux, et affirmé que les négociations allaient se poursuivre dans les prochains jours, dans des modalités qu’il n’a pas précisées.
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« Démarche législative » à l’automne
Il a enfin annoncé « une démarche législative » à l’automne pour « répondre à toutes les questions posées » et, faute d’accord sur les points les plus délicats, s’est dit prêt à intégrer des « dispositions de compromis » dans le prochain budget de la Sécurité sociale.
François Bayrou a, en outre, rappelé que les objectifs premiers étaient de garantir le système par répartition, de tendre vers un équilibre des comptes à l’horizon 2030, de permettre davantage de justice, le tout sans alourdir le coût du travail – autant de points sur lesquels les participants se sont, selon lui, accordés.
Après l’échec des négociations acté lundi soir, patronat et syndicats se sont renvoyé la responsabilité de l’impasse, conduisant Matignon à reprendre la main en recevant une à une les organisations représentatives restées engagées dans le conclave : CFDT, CFTC, CFE-CGC côté salariés, Medef et CPME côté patronat. Quatre autres entités – Force ouvrière, la CGT, l’U2P et le syndicat des artisans – ont quitté les négociations en cours de route.
Après la prise de parole du premier ministre, jeudi soir, la CFDT a salué le fait que le premier ministre ait repris ses « revendications » sur le dossier des retraites, notamment les « mesures en faveur des femmes », dans un message transmis à l’Agence France-Presse. Le Medef, première organisation patronale, dit « prendre acte du diagnostic dressé par le premier ministre » et « fera ses meilleurs efforts pour aboutir à un accord global », assure M. Martin dans une déclaration écrite, mais « les points de désaccord qui subsistent seront évidemment les plus difficiles à régler, car ils touchent au cœur de la réforme ».
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Le numéro deux et négociateur du syndicat, Yvan Ricordeau, rappelle toutefois que « la pénibilité et l’équilibre financier ne sont pas deux mesures parmi d’autres, [mais] le cœur du problème depuis le départ », même si François Bayrou a estimé qu’un « compromis est à portée de main » sur ces deux dossiers. Concernant la suite, la CFDT prendra sa décision au bureau national vendredi matin, a-t-il précisé.
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Le leader de la CFTC, Cyril Chabanier, a lui déclaré que, « pour l’instant, les négociations sont terminées, il n’y a pas de nouvelle réunion ». « Si le patronat passe un coup de fil en disant : “On est prêts à faire un dernier effort sur la pénibilité”, on décrochera », a-t-il ajouté sur BFM-TV. Pour Denis Gravouil, cadre de la CGT, « le conclave était une discussion pour rien », qui n’a pas permis d’obtenir « l’abrogation de la réforme des retraites que nous réclamons tous ».
« Si mes trois camarades [CFDT, CFE-CGC et CFTC] valident cette réforme des retraites, il va falloir qu’ils l’expliquent aux millions de salariés que nous avons mis dans la rue contre cette réforme et qui, aujourd’hui encore dans les sondages, sont toujours contre à 72 % », a quant à lui réagi Frédéric Souillot, leader de Force ouvrière.
Motion de censure déposée par les socialistes
Si M. Bayrou avait lancé en février ces concertations en échange de la neutralité des socialistes à son égard, ce qui lui avait permis d’échapper à la censure sur le budget en février, faute d’accord et de texte à présenter devant le Parlement, les socialistes ont annoncé dès mardi le dépôt une motion de censure.
Interrogé jeudi sur cette motion de censure, François Bayrou a déclaré : « Je n’imagine pas que le parti de Jacques Delors et de Michel Rocard puisse considérer » que les compromis trouvés sur les retraites soient « un objet de censure ». « Ils avaient besoin de manifester un signe d’opposition pour des raisons internes », a-t-il encore estimé, ajoutant : « Mais je ne crois pas que sur le fond, le Parti socialiste avec son histoire, puisse être en désaccord avec cette méthode » de dialogue social.
Les déclarations du chef du gouvernement « ne contrarient en rien notre souhait de le censurer » a répliqué le député Arthur Delaporte, dénonçant une « tentative d’enfumage » de François Bayrou, qu’il a accusé de chercher à « gagner du temps » en s’étant engagé à porter le dossier devant le Parlement à l’automne.
Les socialistes souhaitent discuter de l’ensemble des paramètres de la réforme des retraites au Parlement, en particulier de l’âge de départ, porté à 64 ans, auxquels ils s’opposent. Ce que refuse le premier ministre, au nom de l’équilibre financier du régime, alors que la dette du pays a continué de croître et que le déficit pourrait encore déraper cette année.
La motion de censure déposée par les socialistes, soutenue par les autres groupes de gauche, remet le Rassemblement national (RN), qui dispose du plus gros groupe à l’Assemblée nationale, au centre du jeu. Mais le parti d’extrême droite a fait savoir qu’il ne voterait pas le texte, qui devrait être examiné en début de semaine prochaine, le condamnant ainsi à l’échec. Le RN donne « rendez-vous » au premier ministre lors de l’examen du budget, à l’automne.
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Le Monde avec AFP et Reuters
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