Succes Masra salue ses partisans à son arrivée sur scène lors de son dernier meeting électoral à l’hippodrome de N’Djamena, au Tchad, le 4 mai 2024. JORIS BOLOMEY / AFP
Succès Masra, un ancien premier ministre à la tête du principal parti d’opposition au Tchad, a été condamné à vingt ans de prison ferme, samedi 9 août, par le tribunal de grande instance de N’Djamena, selon un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP) présent à l’audience.
Il a été reconnu coupable de « diffusion de message à caractère haineux et xénophobe » et de « complicité de meurtre » dans le cadre du drame de Mandakao où 42 personnes ont été tuées en mai dans un conflit intercommunautaire.
« Notre client vient de faire l’objet d’une humiliation, d’une ignominie, a dénoncé auprès de l’AFP Francis Kadjilembaye, le coordonnateur des avocats de la défense. Il vient d’être condamné sur la base d’un dossier vide, sur la base de supputations et en l’absence de preuves. »
Succès Masra a également été condamné à verser une amende d’un milliard de francs CFA (environ 1,5 million d’euros).
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Rassemblement à N’Djamena samedi soir
Les militants du parti baptisé « Les Transformateurs » se sont rassemblés samedi soir à N’Djamena pour protester contre la condamnation de leur président. Bedoumra Kordjé, un ancien ministre des finances tchadien et ancien vice-président de la Banque africaine de développement, a été à titre provisoire nommé à la tête de cette formation.
Le parquet avait requis vendredi la peine de vingt-cinq ans de prison ferme à l’encontre de M. Masra et des autres accusés. Ce procès regroupe deux volets : l’un concerne près de 70 hommes accusés d’avoir participé au massacre du 14 mai et l’autre Succès Masra, accusé d’y avoir incité.
Le 14 mai, 42 personnes, « majoritairement des femmes et des enfants », avaient été tuées à Mandakao, dans la région du Logone-Occidental (Sud-Ouest), selon la justice tchadienne. Arrêté le 16 mai, le chef du parti Les Transformateurs était jugé depuis jeudi pour « incitation à la haine, à la révolte, constitution et complicité de bandes armées, complicité d’assassinat, incendie volontaire et profanation de sépultures ».
Un message audio, présenté comme datant de 2023, a été mis en avant par la justice pour incriminer M. Masra. Selon une traduction en français du message en langue ngambaye, le président de ce parti d’opposition y aurait notamment dit : « Apprenons-nous les uns et les autres à utiliser une arme à feu (…), soyons tous des boucliers protecteurs. »
« Je ne reconnais aucun des faits »
Entendu à la barre pour la première fois jeudi, Succès Masra, en tenue blanche traditionnelle, avait déclaré : « Vous avez devant vous un homme qui croit en la justice. Je ne reconnais aucun des faits qui me sont reprochés. » Détenu depuis son arrestation mi-mai, l’opposant avait observé une grève de la faim d’une semaine. Le 19 juin, ses avocats avaient déposé une demande de libération provisoire, qui avait été rejetée.
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Economiste formé en France et au Cameroun, M. Masra, 41 ans, avait été nommé premier ministre cinq mois avant l’élection présidentielle de mai 2024 à laquelle il s’était porté candidat face au président Mahamat Idriss Déby Itno, proclamé vainqueur avec plus de 60 % des suffrages.
Depuis 2018 – sous la présidence à l’époque d’Idriss Déby Itno, le père de l’actuel chef de l’Etat –, M. Masra était la seule figure de l’opposition capable de mobiliser des milliers de personnes dans la capitale pour des manifestations systématiquement réprimées, parfois dans le sang.
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Comme d’autres dirigeants d’opposition, il avait été contraint à l’exil quelques jours après une manifestation meurtrière, le 20 octobre 2022, contre la prolongation de deux ans par les militaires au pouvoir d’une transition politique consécutive à la mort en 2021 du président Idriss Déby Itno. Il était retourné au Tchad fin 2023, après avoir signé un « accord de réconciliation » avec la junte.
Originaire de la partie méridionale de son pays, Succès Masra appartient à l’ethnie ngambaye et bénéficie d’une large popularité auprès des populations du sud en majorité chrétiennes et animistes, qui s’estiment souvent marginalisées par le régime de N’Djamena, majoritairement musulman.
Le Monde avec AFP
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