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Au bureau, le « small talk » plombé par la canicule : « Fait chaud, non ?! »

Pour être supportable, la vie de bureau exige un minimum de créativité conversationnelle. Quand vous rentrez dans un ascenseur, il faut être capable de rebondir sur un petit détail pour briser la glace et huiler la mécanique des rapports sociaux. En période de canicule, cette mécanique est réduite à sa plus simple expression. Accablés par les températures, on se regarde d’un air liquéfié : « Fait chaud, non ?! » Ben ouais, fait chaud.

Comme l’a expliqué le sociologue américain Erving Goffman (1922-1982), nos comportements se déploient dans un enchâssement de cadres naturels et sociaux. Pour être en mesure de tenir une conversation d’open space potable, il faut que nos variables vitales soient en état de fonctionner, et c’est pour cette raison que les phénomènes climatiques n’induisent pas tous les mêmes discours.

Le froid est piquant et permet tout un tas de variations. Il fait naître la perspective de contre-mesures – un chocolat fumant, la ressortie de sa plus belle doudoune sans manches – qui sont autant d’occasions de partager un bon mot. La chaleur, elle, annihile toute velléité de créativité dialogique et nous fait toucher du doigt l’inhabitabilité de notre monde. Il n’y a plus de glace à briser (tout a fondu). On perçoit, dans le « fait chaud », un mélange curieux de dépit et de redécouverte, qui traduit l’ampleur de notre déni climatique. Le réchauffement, on le met sous le tapis pendant l’hiver, on part en avion se revigorer aux antipodes, en espérant slalomer au mieux entre les pics de chaleur l’été venu. Mais une fois que le « fait chaud » est là, c’est notre « devenir-cadavre » et celui de nos enfants qui nous saute à la figure.

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Dans ce climat (suffocant), on tente néanmoins de positiver. L’avantage du « fait chaud », pourrait-on penser de prime abord, c’est qu’il traduit un unanimisme des ressentis. On aurait tous identiquement chaud, on serait enfin tous d’accord. Il n’y a rien de plus faux. Comme beaucoup de choses en entreprise, la température est l’objet d’une bataille concrète et symbolique, voire d’une forme d’appropriation. Le « fait chaud » s’est ainsi doublé d’un discours parallèle de la part des mecs se plaignant de ne pas pouvoir porter de short (j’en sais quelque chose, j’ai fait un article-manifeste à ce propos il y a quinze jours).

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