Porté par l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, le tourisme autour du vin se développe à grande vitesse en Champagne.
« On a l’impression de se promener dans une peinture », s’extasie Tyler Ryan, un touriste américain visitant le Pavillon Ruinart à Reims, l’une des vitrines du boom de l’œnotourisme en Champagne, dix ans après son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. La plus ancienne maison de champagne, propriété du géant du luxe LVMH, a métamorphosé depuis un an son accueil du public avec ce pavillon aux airs de pagode signé Sou Fujimoto, l’une des stars de l’architecture japonaise contemporaine, à côté de ses crayères, ces profondes caves naturelles en craie qui se visitent.
Pourquoi les vignerons californiens ont le droit de vendre du champagne américain?
Employé de la franchise de basket NBA des Bucks de Milwaukee, Tyler Ryan et sa femme Taylor, infirmière, expliquent être venus en France fêter le premier anniversaire de leur voyage de noces. En deux étapes: la Champagne, puis Paris. Taxes Trump ou pas, « nous buvions déjà du champagne pour les grandes occasions et nous allons continuer à en boire », sourit le couple. L’œnotourisme « est reparti comme jamais, avec un public qui n’est plus le même », ce sont « des gens qui voyagent d’abord pour le vin », estime Olivier Livoir, « responsable de l’hospitalité » chez Ruinart.
Table des matières
+30% d’emplois locaux
Un relais de croissance bienvenu pour la filière champagne, touchée depuis cette année par les droits de douane des États-Unis sur les produits européens. Dix ans après l’inscription de ses coteaux, maisons et caves au patrimoine mondial, l’œnotourisme « est en train d’exploser » en Champagne, constate aussi Séverine Couvreur, présidente de la Mission Unesco.
Un nombre impressionnant de projets a vu le jour ces dernières années: rénovation du musée du vin de Champagne à Épernay, reconversion des anciens pressoirs de Pommery en un musée interactif à Aÿ-Champagne, hôtels de luxe et restaurants assemblant gastronomie et dégustation. Taittinger a ainsi ouvert sa propre table en juin à Reims. Parmi d’autres initiatives, la maison Dom Pérignon (LVMH) doit démarrer en décembre la restauration de l’ancienne abbaye Saint-Pierre d’Hautvillers, berceau du champagne, pour une réouverture prévue en 2028 sous le signe de l’œnotourisme.
Dans un ancien hôtel particulier au cœur de Reims, la jeune maison Thiénot a inauguré en septembre « Le 3 », un lieu proposant sur 5.000m2 un circuit oenotouristique immersif, bientôt flanqué d’un hôtel cinq étoiles et d’un bar à champagne. « C’est le boom oenotouristique de la Champagne qui a fait germer cette idée », explique Olivier Lamaison, le directeur général du « 3 ». Il y a « un fort enjeu commercial » dans ce projet, reconnaît Stanislas Thiénot, co-dirigeant de cette maison indépendante et désireuse de cibler davantage le grand public.
Le nombre de nuitées à Reims a bondi de plus de 60% entre 2016 et 2023, atteignant 1,8 million. Et les emplois touristiques locaux ont augmenté de plus de 30% sur la même période pour atteindre 8.240 postes, selon une récente enquête de l’Agence d’urbanisme, de développement et de prospective de la région de Reims.
« Éviter le surtourisme »
« Cette hausse des emplois est homogène sur tout le territoire » et « surtout sensible dans les zones périphériques » souligne Séverine Couvreur. Car l’inscription Unesco va au-delà de « zones cœur » comme Reims et Épernay, engageant également 320 villes et villages de l’AOC Champagne dans la Marne, l’Aube et l’Aisne. Ainsi « on arrive aussi à éviter le surtourisme » car « il n’y a pas qu’un seul lieu qui se visite, mais une multitude d’expériences », vante-t-elle encore. La Mission Unesco veut dorénavant anticiper « des flux qui favorisent la mobilité, pour que les habitants n’en souffrent pas », ajoute-t-elle.
Dès 2023, Hautvillers et Aÿ-Champagne ont pris des arrêtés plafonnant le nombre de locations touristiques autorisées dans leurs communes. Epernay vient de les imiter, alors que le nombre de ces meublés recensés dans la ville – plus de 420 – a décuplé depuis 2019, selon la mairie. À Aÿ-Champagne, des investisseurs locaux, mais aussi étrangers, « achetaient des biens assez conséquents » et à un prix élevé pour les « rediviser » ensuite, explique Dominique Collard, le maire de cette commune.
« On est fier de la montée du tourisme en Champagne, mais il faut essayer de trouver le bon équilibre », car se loger sur Aÿ est devenu « compliqué » et sa population décline, souligne l’élu.


No comment yet, add your voice below!