Baisse de concentration, maux de tête, irritabilité… Les épisodes de canicules peuvent agir comme catalyseurs de la fatigue profonde et des tensions sous-jacentes dans les entreprises.
La chaleur peut être dangereuse, voire fatale. Les travailleurs manuels ou ceux qui occupent des métiers en extérieur sont particulièrement concernés. En 2024, 7 accidents du travail mortels liés à la chaleur ont été recensés.
Mais les employés de bureau ne sont pas épargnés pour autant. Et les effets de la chaleur sur eux sont parfois des impensés. « Baisse de concentration, lenteur, maux de tête. Ce ralentissement s’accompagne d’une fatigue physique plus discrète: gestes lents, posture affaissée, lassitude », détaille le psychologue du travail et fondateur du cabinet Ekilibre Conseil, Jean-Christophe Villette.
« Chez les cadres, les capacités d’analyse et de décision sont altérées. »
Et même dans les bureaux climatisés, ajoute-t-il, la chaleur perturbe le fonctionnement cognitif. « Au-delà de l’inconfort, elle agit comme un révélateur: celui de la fatigue accumulée et de la capacité des organisations à s’adapter », analyse Jean-Christophe Villette.
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« Un catalyseur des tensions latentes »
On sait qu’au cours des six derniers mois, 80% des salariés témoignent d’une fatigue professionnelle, selon le baromètre Opinionway-Ekilibre. Et cette vague de chaleur arrive au début de l’été, à la fin d’un cycle qui a pu être intense et avant la période de repos des grandes vacances.
Ajoutez à cela un mauvais sommeil à cause de la chaleur, une heure (ou plus) passée dans la fournaise des transports en commun et la probabilité de voir les salariés arriver de bonne humeur au bureau chute drastiquement.
« Les recherches en sciences sociales montrent que la chaleur affecte aussi les relations humaines: irritabilité, repli sur soi, baisse de la tolérance », explique Jean-Christophe Villette.
Le risque est de voir les réunions tourner au vinaigre et les frictions se multiplier dans l’open-space. « La chaleur agit comme un catalyseur des tensions latentes, dans les équipes comme dans les relations hiérarchiques », poursuit le psychologue du travail.
« Les signaux d’alerte se multiplient »
Et selon lui, les entreprises dans lesquelles la chaleur met tout le monde à bout sont nombreuses. Parfois jusqu’à les mener au bord de l’implosion. Le spécialiste cite notamment l’exemple d’une société de conseil en transformation digitale de 300 salariés.
Fin juin 2023, les salariés subissent les effets de la canicule et tous n’ont pas accès à un espace climatisé, mais l’organisation du travail n’est pas adaptée. « Ils continuent les réunions dans des salles vitrées qui surchauffent, ils ne peuvent pas faire plus de télétravail que d’habitude… », décrit Jean-Christophe Villette.
Les équipes se plaignent et les signaux d’alerte se multiplient avec de la fatigue, des erreurs d’inattention, des tensions qui se renforcent, rapporte-t-il. Mais on est fin juillet et les objectifs de performance ne sont pas encore atteints avant la pause d’août.
« L’entreprise n’a pas su lire que ce stress climatique est venu apporter un poids supplémentaire à un équilibre déjà très fortement challengé. »
Réduire les horaires ou adapter les objectifs, des solutions existent
Les objectifs commerciaux sont donc maintenus, dans un délai très court et très intense. Jusqu’à ce que les tensions explosent et qu’un manageur sous-pression explose dans une réunion devant les clients. Résultat: le projet a été reporté de 6 semaines et l’incident a eu un impact sur tous les salariés.
« Quand il y a des vulnérabilités, un épisode de chaleur peut les mettre en exergue: les salariés sont à fleur de peau, les tensions exacerbées. »
Mais des solutions existent pour éviter d’en arriver là. Depuis ce 1er juillet, un décret impose à l’employeur de prendre un certain nombre de mesures pour protéger ses salariés.
Pour Jean-Christophe Villette, le plus important est d’anticiper les effets de la chaleur sur les travailleurs. Il s’agit notamment d’adapter les horaires de travail voire de les réduire, d’ajouter du télétravail, de réévaluer les objectifs, de prévoir des pauses supplémentaires et un accès à des zones fraiches.
Parmi les entreprises qu’Ekilibre Conseil accompagne, seul un quart avait intégré la chaleur au sein du document unique d’évaluation des risques professionnels. Il s’agissait de celles qui emploient des travailleurs manuels. Le nouveau décret oblige toutes les entreprises à intégrer le risque chaleur, ce qui les forcera à en discuter avec les partenaires sociaux.
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