L’armée américaine mène depuis plusieurs semaines des frappes meurtrières dans le Pacifique et dans les Caraïbes contre des navires accusés d’acheminer de la drogue aux États-Unis. À la tête de ce trafic, selon Washington: le président vénézuélien Nicolas Maduro.
Donald Trump en croisade contre le narcotrafic international. Le président américain, qui a officiellement déclaré son pays en « conflit armé » avec les cartels de drogue, a ordonné à l’armée de se déployer en mer pour combattre les trafiquants et ainsi « protéger le territoire national ». Ces dernières semaines, les frappes américaines ont tué plus de 60 personnes présentées comme des membres d’organisations criminelles sud-américaines.
Accusé d’alimenter ce trafic, le président vénézuélien Nicolas Maduro est recherché par la justice américaine. Lui dénonce un prétexte « pour imposer un changement de régime » et s’emparer des réserves de pétrole du pays.
· Une quinzaine de frappes meurtrières
Les États-Unis procèdent depuis début septembre à des frappes aériennes dans le Pacifique et surtout dans les Caraïbes contre des bateaux qu’ils présentent comme appartenant à des narcotrafiquants. La dernière en date, ce samedi 1er novembre, a tué trois personnes selon le secrétaire à la Défense Pete Hegseth.
« Ces narcoterroristes font entrer de la drogue sur notre territoire pour empoisonner les Américains, et ils n’y parviendront pas. Le Département les traitera EXACTEMENT comme il a traité Al-Qaïda », affirme-t-il sur X, vidéo de la frappe américaine à l’appui.
Au total, l’administration Trump a revendiqué 16 attaques ces dernières semaines, faisant selon elle 65 morts, sans apporter la preuve de liens entre ces personnes et le narcotrafic.
« Je pense qu’on va simplement tuer les gens qui font entrer de la drogue dans notre pays, ok? », avait justifié Donald Trump vendredi 24 octobre.
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a dénoncé vendredi 31 octobre des « exécutions extrajudiciaires ». Il rappelle que la lutte contre le trafic de drogues relève « du maintien de l’ordre » et qu' »en vertu du droit international des droits de l’homme, le recours intentionnel à la force létale n’est autorisé qu’en dernier recours contre des individus qui représentent une menace imminente pour la vie ».
Le président colombien Gustavo Petro a par ailleurs dénoncé récemment l' »assassinat » d’un pêcheur colombien, tué selon lui dans une frappe américaine, et accusé les États-Unis d’avoir violé l’espace maritime colombien. Après ces déclarations, Donald Trump a qualifié Gustavo Petro de « baron de la drogue » et annoncé l’arrêt des aides financières américaines versées à Bogota.
Outre ces frappes, Washington a déployé une flotte de huit navires de guerre dans les Caraïbes et des avions de chasse F-35 sur l’île américaine de Porto Rico. Donald Trump a aussi annoncé l’arrivée prochaine du porte-avions Gerald R. Ford, le plus grand au monde.
Carte présentant la flotte américaine déployée au 15 octobre 2025 dans les Caraïbes pour lutter contre le trafic international de drogue © Photo par YASIN DEMIRCI / ANADOLU / ANADOLU VIA AFP
· La tête de Nicolas Maduro mise à prix
Pour Donald Trump, le responsable de ce trafic international de drogue est tout trouvé: Nicolas Maduro. Le président vénézuélien est, comme son prédécesseur Hugo Chavez, un ennemi déclaré des États-Unis dont il dénonce « l’impérialisme ».
Au cours de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump a conduit une politique de sanctions maximales contre le Venezuela, ordonnant un embargo sur le pétrole. En 2020, Nicolas Maduro a été inculpé pour « narco-terrorisme », accusé d' »inonder le marché américain de cocaïne ».
Selon la fiche émise par le secrétariat d’État américain, le président Maduro serait à la tête d’un réseau de trafic de drogue impliquant des haut-gradés vénézuéliens appelé le « Cartel des Soleils » – une organisation dont l’existence même est remise en cause par certains spécialistes.
Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, les relations entre Caracas et Washington se sont encore envenimées, alors que les États-Unis ne reconnaissent pas la réélection contestée de Nicolas Maduro en 2024. En août dernier, l’administration Trump a annoncé avoir doublé à 50 millions de dollars (environ 43 millions d’euros) la prime pour l’arrestation du président vénézuélien.
· La CIA autorisée à mener des opérations au Venezuela
Le président américain Donald Trump a reconnu mi-octobre avoir autorisé des actions clandestines de la CIA contre le Venezuela, sans donner plus de détails. Alors qu’un journaliste lui demandait s’il avait donné à l’agence américaine l’autorisation de « neutraliser » Nicolas Maduro, Donald Trump a balayé une « question ridicule ».
« On n’a jamais vu un président parler d’opérations clandestines de la CIA pendant qu’elles ont lieu. Ça montre bien qu’on est dans un récit qui doit être mis en scène », décrypte pour BFMTV le chercheur Jérome Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine et enseignant à Sciences-Po.
Les autorités vénézuéliennes ont dans la foulée annoncé avoir démantelé une cellule de la CIA qui aurait eu comme objectif d’attaquer un navire américain amarré à Trinité-et-Tobago, l’USS Gravely, pour créer un incident « sous faux drapeau » en l’attribuant au Venezuela.
L’annonce de Donald Trump a réveillé en Amérique du Sud les souvenirs des coups d’État soutenus ou orchestrés par les services secrets américains dans la seconde moitié du XXe siècle au Brésil, au Chili ou encore au Guatemala.
S’il a un temps brandi la menace d’une « opération terrestre », Donald Trump a écarté ce vendredi tout projet d’attaque directe contre le Venezuela.
· Le narcotrafic, un prétexte?
Si Donald Trump accuse Nicolas Maduro de diriger un régime « narco-terroriste », le Venezuela n’est pas connu par les spécialistes comme un pays clé du trafic de drogue en Amérique latine.
« Le Venezuela n’est pas un pays de production de drogue » comme la Bolivie ou la Colombie, note Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine à l’Université de Rouen. « C’est un pays de transit mais ce n’est pas la route majeure du transit de la drogue vers les États-Unis ou l’Europe », explique-t-il à BFMTV.
« Aujourd’hui, c’est plutôt l’Équateur qui est utilisé par les groupes narcotrafiquants comme une plaque tournante pour distribuer la drogue vers les États-Unis. Mais l’Équateur ne va pas être visé car son président est un allié de Donald Trump », poursuit le chercheur.
Qui est María Corina Machado, nouvelle lauréate du prix Nobel de la paix?
Sous couvert de lutte contre le trafic de drogue, Donald Trump mènerait davantage une croisade politique. « Le Venezuela est une figure de l’ennemi qui lui est utile », estime Jérôme Viala-Gaudefroy. « Nicolas Maduro est un dictateur d’extrême gauche donc ça correspond à sa rhétorique sur un ‘ennemi intérieur’ lui-même décrit comme étant d’extrême gauche ».
Face aux accusations américaines, le régime de Nicolas Maduro communique sur sa lutte contre le trafic de drogue. Jeudi, Caracas a annoncé avoir intercepté trois avions et détruit deux camps de « terroristes armés narco colombiens » dans le sud du pays.
· Le pétrole vénézuélien en ligne de mire?
Si Nicolas Maduro venait à chuter, Washington aurait tout intérêt à voir lui succéder son opposante Maria Corina Machado, tout juste auréolée du prix Nobel de la Paix 2025.
En effet, « son projet ouvertement affirmé est de faire du Venezuela un hub énergétique pour les Américains », explique Thomas Pasado, qui souligne le « tropisme pro-occidental » de cette combattante historique du régime socialiste fondé par Hugo Chavez.
« Dans le cas où elle arriverait au pouvoir, c’est certain que les entreprises américaines auraient quelqu’un d’extrêmement conciliant comme interlocuteur », affirme le spécialiste de l’Amérique latine.
Après s’être vu décernée le prix Nobel, María Corina Machado avait dédié sa médaille « au peuple souffrant du Venezuela et au président Trump pour son soutien décisif à notre cause ». Nicolas Maduro voit dans ce rapprochement « un plan impérial visant un changement de régime pour imposer un gouvernement fantoche contrôlé par les États-Unis » et s’emparer des réserves de pétrole du pays, parmi les plus importantes au monde.










