Après le tollé de « Papamobile » et ses quelques 400 entrées dans une poignée de salles, et les déconvenues de ses derniers films, l’acteur peine à attirer les spectateurs en salles.
Il faut remonter à 2023 pour voir un film avec Kad Merad caracoler au sommet du box-office. Ce n’est pas si loin, direz-vous. Mais pour la star des Choristes ou de Bienvenue chez les Ch’tis, habituée aux grands succès populaires et au million d’entrées, c’est décevant. Loin de ses standards du moins. Simple hasard du calendrier ou signe d’un changement structurel de la demande?
Ces deux dernières années, l’acteur était à l’affiche de six longs-métrages, mais aucun n’a réussi à dépasser les 250.000 entrées. Le dernier en date, Papamobile de Sylvain Estibal sorti le 13 août, a été un vrai bide, avec 372 entrées depuis son démarrage selon son distributeur, The Jokers Films.
La comédie a même été la risée du web, The Jokers Films ayant décidé de limiter au maximum la casse en ne le programmant que dans sept salles. Une sortie, dite « technique », qui est néanmoins très rare pour un long-métrage de cette trempe, porté qui plus est par un célèbre acteur. Son producteur Jean Bréhat lui, l’a jugé « raté », tandis que Kad Merad a préféré garder le silence sur le sujet.
Déconvenues
Sans toutefois atteindre de tels planchers, les derniers films avec Kad Merad ont eux aussi peiné à remplir les salles. La comédie 100 millions! de Nath Dumont, avec Michèle Laroque, a plafonné à 173.000 entrées alors que la fiction avait été lancée en mars dernier sur plus de 400 copies, selon CBO.
Les Boules de Noël d’Alexandra Leclère, pourtant distribué par Sony en décembre dernier, n’a attiré que 160.000 spectateurs en salles, tandis quela comédie Le Larbin d’Alexandre Charlot et Franck Magnier, avec Clovis Cornillac et Isabelle Carré, n’en a conquis que 232.000 sur près de 500 copies en juillet 2024.
Et même quand Kad Merad s’éloigne du registre de la comédie française populaire, les entrées ne sont pas franchement au rendez-vous. Le Dernier souffle de Costa-Gavras, avec Denis Podalydès, et Finalement de Claude Lelouch, avec Elsa Zylberstein, Michel Boujenah, Sandrine Bonnaire et Barbara Pravi, respectivement sortis en février et en novembre dernier, ont stagné à quelque 132.000 entrées.
Pour Eric Marti, directeur général de Comscore Movies, ces récents résultats au box-office sont avant tout le reflet de phénomènes de carrière classiques, avec des effets d’emballement puis d’essouflement, des vogues puis des usures.
« Sur le même modèle que Franck Dubosc, Kad Merad s’essaie depuis peu à un nouveau registre, un peu plus dramatique, analyse-t-il. Mais ce n’est que très récemment, après plusieurs tentatives, que la star de Camping a renoué avec le succès dans ce nouveau répertoire, avec Un ours dans le Jura sorti au début de l’année. Ce sera sans doute pareil pour Kad Merad. »
Machine à entrées dans les années 2000
Le comédien âgé de 61 ans était pourtant une valeur sûre pour l’industrie du septième art hexagonal jusqu’à il y a quelques mois. Il est l’un de ces rares acteurs dont le seul nom suffit à monter un film et à attirer les spectateurs en salles. La Vie pour de vrai de Dany Boon a totalisé plus de 812.000 entrées en avril 2023 – au passage le pire démarrage en 17 ans pour un film de Dany Boon – et Le Doudou de Julien Hervé et Philippe Mechelen en a conquis 400.000 en 2018.
Et l’on ne compte plus ses longs-métrages qui, il y a quelques années encore, dépassaient sans peine le million de spectateurs, à l’instar d’Alibi.com de Philippe Lacheau (3,6 millions d’entrées en 2017), Bis de Dominique Farrugia (1,5 million d’entrées en 2015), Les Vacances du Petit Nicolas de Laurent Tirard (2,5 millions d’entrées en 2014), Supercondriaque de Dany Boon (5,3 millions d’entrées en 2014) ou Le Petit Nicolas de Laurent Tirard (5,7 millions d’entrées en 2009).
Sans parler, si l’on regarde encore davantage dans le rétroviseur, des phénoménales 20 millions d’entrées de Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon en 2008 (meilleur résultat pour un film tricolore au box-office national), ni des plus de 8 millions d’entrées des Choristes de Christophe Barratier en 2004.
Essoufflement
Eric Marti y voit là le signe de l’essoufflement d’un certain type de comédies françaises populaires: celles qui fonctionnent sur des formules déjà vues, avec un scénario déjà vu et des acteurs déjà vus.
« Depuis le Covid-19 et l’essor des plateformes, qui offrent une profusion de contenus à regarder, les pratiques des spectateurs ont changé, observe-t-il. Ils réfléchissent à deux fois avant d’acheter un ticket, ils ne vont pas au cinéma pour voir des choses qu’ils ont déjà vues. »
Les spectateurs privilégient donc, selon lui, les comédies qui étonnent, font un pas de côté, entremêlent différents registres, osent des sujets ou traitements plus dramatiques, comme en témoignent les récentes réussites d’Un p’tit truc en plus (11 millions d’entrées), Un ours dans le Jura (1,5 million d’entrées), Ma mère, Dieu, et Sylvie Vartan (1,5 million d’entrées), En fanfare (2,6 millions d’entrées) ou Vingt dieux (954.000 entrées).
« Ce ne sont plus les comédies pures qui cartonnent aujourd’hui, mais celles douces, authentiques, sincères, drôles », poursuit-il. Et de renchérir: « Même les Lacheau ou Les Tuche, qui avaient pris un temps la relève de Dany Boon, Kad Merad et Franck Dubosc, commencent à s’essouffler. » La mode, un éternel (re)commencement.
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