(De gauche à droite.) Après l’annonce de l’accord commercial entre l’Union européenne et les Etats-Unis, les ministres Nathalie Delattre (tourisme), Véronique Louwagie (commerce, artisanat et PME), Amélie de Montchalin (comptes publics), Eric Lombard (économie) et Annie Genevard (agriculture) rencontrent des acteurs économiques dont l’activité d’exportation est touchée par cet accord, à Paris, le 30 juillet 2025. THIBAUD MORITZ / AFP
Trois jours après l’annonce de l’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis, qui menace de fragiliser leur situation, les acteurs économiques dont l’activité d’exportation est touchée par les mesures tarifaires du gouvernement Trump étaient reçus, mercredi 30 juillet à Bercy, par le ministre de l’économie, Eric Lombard, et plusieurs membres du gouvernement.
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La réunion a rassemblé, autour de M. Lombard, les ministres Amélie de Montchalin (comptes publics), Marc Ferracci (industrie et énergie), Véronique Louwagie (commerce, artisanat et PME), Clara Chappaz (numérique), Nathalie Delattre (tourisme), Annie Genevard (agriculture) et Laurent Saint-Martin (commerce extérieur).
Les ministres ont tenté de rassurer les organisations patronales et les fédérations professionnelles touchées par ces droits de douane (le Medef, la CPME et l’U2P, côté patronal ; France Industrie, la Fédération bancaire française, l’Alliance du commerce, la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) ou encore France Assureurs, entre autres, côté fédérations).
« Les négociations avec les Etats-Unis ne font que commencer sur la base de l’accord qui a été mis en place dimanche », a affirmé Eric Lombard, à l’issue de la réunion. Peu d’annonces concrètes sont d’ailleurs ressorties de cet échange à huis clos, à part la création d’un site Internet à destination des entreprises et l’engagement de transmettre les doléances des secteurs touchés par les surtaxes douanières américaines à la Commission européenne la semaine prochaine.
Le ministre de l’économie a redit son « soulagement d’avoir évité une escalade commerciale », malgré la « déception qu’on arrive à un accord à 15 % ».
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« Un accord “zéro pour zéro” pour les spiritueux »
« Si la volonté de Donald Trump était de rééquilibrer la balance des biens, alors je crois qu’il n’y a pas de tabou à avoir sur la balance des services également », qui est excédentaire en faveur des Etats-Unis, a déclaré, de son côté, Laurent Saint-Martin. « Ce que nous poussons de façon très claire, c’est une exemption pour le secteur (…) des vins et des spiritueux, en plus de l’aéronautique », a-t-il ajouté à propos des secteurs qui pourraient être exonérés de droits de douane.
La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, a, elle, avancé « que, selon toute probabilité, il pourrait y avoir un accord “zéro pour zéro” pour les spiritueux, mais pour les vins nous n’en savons rien ». « Je suis réduite à un niveau d’information qui n’est pas loin du vôtre », a-t-elle lancé aux journalistes lors d’une conférence de presse. La France exporte autour de 4 milliards d’euros de vins et de spiritueux vers les Etats-Unis, a fait savoir la ministre de l’agriculture.
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En les additionnant au milliard d’euros d’exportations liés à l’agroalimentaire, des taxes portées à 15 % sur les produits européens, selon les conditions connues de l’accord trouvé dimanche, représenteraient 800 millions d’euros de taxes supplémentaires, a rappelé Mme Genevard. « Le niveau d’inquiétude du secteur est maximal. »
Des exemptions de droits de douane dans le secteur de l’aéronautique et concernant certains dispositifs médicaux exportés outre-Atlantique ont déjà été confirmées, mais aucune pour l’heure vis-à-vis des vins et des spiritueux. La Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) estimait lundi que « la catastrophe [était] évitée » avec cet accord qui « évite l’application de droits de 30 % à compter du 1er août ».
« Cette réunion [à Bercy] nous a permis d’exprimer à un plus haut niveau nos demandes », a dit, à l’Agence France-Presse, le directeur général de la fédération des entreprises de beauté FEBEA (cosmétiques…), Emmanuel Guichard, alertant sur le risque d’« une perte de 300 millions d’euros » et de « 5 000 emplois directs et indirects » à cause de la taxation à 15 %.
Emmanuel Macron estime que l’UE n’a pas été assez « crainte »
Lors du conseil des ministres, Emmanuel Macron, qui ne cesse d’en appeler à une Europe « puissance », a déploré, mercredi, que l’Union européenne n’ait pas été plus offensive sur les droits de douane face à Donald Trump et a jugé qu’elle pouvait encore arracher des concessions.
« Pour être libres, il faut être craints. Nous n’avons pas été assez craints », a lancé le chef de l’Etat, après trois jours de silence sur l’accord commercial annoncé dimanche entre Bruxelles et Washington. « La France a toujours tenu une position de fermeté et d’exigence. Elle continuera de le faire. Ce n’est pas la fin de l’histoire et nous n’en resterons pas là », a-t-il renchéri en conseil des ministres. Le président français, qui plaidait de fait la fermeté face à la surenchère commerciale de Donald Trump, s’est retrouvé assez isolé sur la scène européenne.
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« On savait que, de toute façon, on était dans une guerre asymétrique », a affirmé Eric Lombard, mercredi matin sur RTL, déplorant un accord « inéquitable », alors que les Etats-Unis représentent 8 % des exportations françaises.
« Nos entreprises sont tendues », a alerté Franck Choisne, président de la commission internationale de la CPME sur Europe 1 avant la réunion. « D’un côté, on est heureux qu’il y ait un accord parce qu’il faut de la stabilité, mais d’un autre côté, cet accord n’est pas acceptable : 15 %, c’est énorme », a-t-il résumé.
Michel Picon, le président de l’U2P, avait déclaré sur RTL attendre de la réunion à Bercy « de l’information », car « il y a des entreprises qui peuvent être exemptées » des surtaxes américaines. Peu exportatrices, les petites entreprises regroupées au sein de l’U2P seront pourtant affectées par les éventuelles pertes de parts de marché aux Etats-Unis des grands groupes pour lesquelles elles travaillent en sous-traitance.
Le Monde avec AFP