Le constructeur est encore un nain face à Airbus et Boeing mais pourrait tirer son épingle du jeu grâce aux retards de livraisons des deux géants sur le marché du court-moyen courrier régional.
La compagnie aérienne scandinave SAS, dont Air France-KLM est l’un des principaux actionnaires, a annoncé mardi vouloir acquérir 55 avions du constructeur aéronautique brésilien Embraer pour 25 milliards de couronnes, soit 3,35 milliards d’euros.
« Nous avons signé un contrat portant sur 55 Embraer E195-E2 », a déclaré le directeur général de SAS, Anko van der Werff, lors d’une conférence de presse. La compagnie va acheter dans un premier temps 45 appareils avec une option d’achat sur dix supplémentaires, a-t-il précisé.
Les avions, dont les premiers sont attendus en 2027, devraient principalement être utilisés sur des vols au sein de la région nordique. Ils sont présentés comme étant plus économes en carburant et plus silencieux que les modèles précédents de la flotte aérienne de SAS.
Un trafic mondial toujours en hausse
« C’est comme une renaissance », a dit le dirigeant de SAS. Après des années de difficultés financières, notamment à cause de la pandémie de Covid-19, la compagnie scandinave s’était placée en juillet 2022 sous la protection de la loi américaine sur les faillites, dite chapitre 11. Elle a achevé sa restructuration fin août 2024.
Ce contrat illustre également la montée en puissance de l’avionneur brésilien. S’il est encore un nain face à Airbus et Boeing, il commence à tirer son épingle du jeu grâce aux retards de livraisons des deux géants dans un contexte de hausse constante du trafic. 5,2 milliards de passagers sont attendus en 2025, un nouveau record.
« Cette situation nous mécontente, voire nous met en colère, parce que cela n’a que trop duré. Les avions ne sont pas livrés à temps, ce qui provoque beaucoup de problèmes pour notre secteur. C’est très décevant », assénait en décembre dernier, Willie Walsh, directeur général de l’Association internationale du transport aérien (Iata).
Les regards se tournent donc vers des constructeurs alternatifs comme le brésilien Embraer, fournisseur d’Alaska Airlines, Air France ou British Airways. L’indutriel pourrait bien profiter de ces difficultés pour tirer son épingle du jeu dans le court-moyen courrier régional avec le Embraer E190, un mono-couloir d’une centaine de places environ qui concurrence l’A220 d’Airbus (le plus petit appareil de sa gamme) et le Boeing 737-7.
Un carnet de commandes bien fourni
Son carnet de commandes se remplit rapidement avec SAS mais aussi All Nippon Airways. Il annonce pour 2024 un chiffre d’affaires record de 6,395 milliards de dollars, en augmentation annuelle de 21%. Il a livré 73 avions contre 64 un an plus tôt. Désormais, il vise 77 à 85 avions commerciaux livrés cette année.
Évidemment, on est très loin des 820 livraisons visées par Airbus cette année contre 766 en 2024. Mais le Brésilien sait qu’il a une carte à jouer car il est capable de livrer bien plus rapidement ses appareils.
Mais pour venir chatouiller le duopole Airbus-Boeing, il lui faudra également changer d’échelle en produisant des appareils plus gros. Outre son développement qui prendra du temps, il faudra passer les étapes de tests et de certifications qui, compte tenu du contexte actuel, risquent d’être plus sévères que jamais.
Difficile donc de répondre immédiatement à l’appétit gargantuesque des compagnies.
« Nous avons les capacités de faire un avion plus grand », a ainsi déclaré Francisco Gomes Neto, le patron d’Embraer. « Mais à ce stade, nous n’avons pas de plans concrets. Nous nous concentrons vraiment sur la vente des produits que nous avons », a-t-il ajouté.
Autre piste pour les compagnies aériennes, le chinois Comac qui propose notamment son moyen courrier C919. Mais ce dernier n’est pas encore certifié en Europe et aux États-Unis. Et l’industrie aéronautique chinoise suscite encore la méfiance.
John Kirby, le patron du géant américain United a ainsi jugé « peu probable » que Comac compense à court terme les difficultés d’Airbus et Boeing. Encore un argument pour Embraer.
Olivier Chicheportiche avec AFP
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